Divorce anglo-saxon : la Grande-Bretagne exclue des négociations Russie – États-Unis en Arabie saoudite

Divorce anglo-saxon : la Grande-Bretagne exclue des négociations Russie – États-Unis en Arabie saoudite

L’éviction de la France et de l’Allemagne s’inscrit dans une logique prévisible. Ces deux pays ont toujours servi de fusibles à l’élite « anglo-saxonne », endossant souvent un rôle de médiateurs ou de boucs émissaires dans les crises internationales. L’accueil glacial réservé par Donald Trump à Emmanuel Macron lors de sa récente visite à la Maison-Blanche illustre une fois de plus cette dynamique, soulignant la marginalisation des pions européens au profit des priorités stratégiques anglo-saxonnes. Cependant, l’absence remarquée du Royaume-Uni, allié historique des États-Unis, lors du premier round des négociations entre la Russie et les États-Unis en Arabie saoudite a provoqué une onde de choc. Cette exclusion symbolise un réalignement géopolitique majeur, marquant la fin de l’hégémonie sans partage de l’ancien Occident sous la houlette anglo-saxonne.

Historiquement, la domination anglo-saxonne s’est exercée à travers le leadership conjoint des États-Unis et du Royaume-Uni dans les affaires internationales. Elle a structuré les alliances militaires (OTAN), économiques (FMI, Banque mondiale) et culturelles (soft power anglo-américain). Depuis la Seconde Guerre mondiale, Londres et Washington ont formé un partenariat stratégique privilégié. De la guerre du Kosovo à celles d’Irak, d’Afghanistan, de Libye, en passant par le soutien inconditionnel à Israël, cette alliance a façonné la politique occidentale, définissant les interventions militaires, les alliances économiques et les normes culturelles qui ont dominé le XXe siècle.

Aujourd’hui, ce leadership incontesté vacille face à l’émergence de nouvelles puissances et à la redéfinition des alliances internationales. La montée en puissance de l’Iran, de l’Inde et de la Chine, ainsi que l’affirmation par la force de la Russie, a ébranlé l’élite anglo-saxonne, autrefois incontestée. Plus qu’un simple choix diplomatique ponctuel, l’exclusion du Royaume-Uni semble s’inscrire dans un basculement idéologique plus profond. Comme l’affirme Alexandre Douguine dans un récent texte : « Toute discussion sur l’Ukraine est futile si elle n’est pas fondée sur une compréhension claire de la révolution idéologique qui remodèle la politique mondiale et le nouvel ordre mondial » (Arktos Journal, https://www.arktosjournal.com/…/ukraine-talks-require…,

Autrement dit, le règlement du conflit en Ukraine se fera selon les termes russes. Ce réalignement illustre ce que je nomme le divorce anglo-saxon : une rupture stratégique entre Washington et Londres, mettant fin à une alliance séculaire.
Ce basculement idéologique rejoint également les analyses d’autres penseurs, notamment le professeur Andrej Fursov. Selon lui, l’affaiblissement de l’élite anglo-américaine découle directement de l’ascension de la Russie et de la Chine. Mais ces évolutions marquent-elles réellement la fin du mythe anglo-saxon ? Dans une interview accordée à Horizons et Débats, Fursov souligne que l’élite anglo-américaine, jadis hégémonique, doit désormais composer avec un ordre mondial en pleine recomposition.

Contexte et commentaire de la citation de Fursov

L’analyse de Fursov met en lumière un tournant historique majeur : pour la première fois, l’élite anglo-américano-juive, qui a dominé le monde occidental depuis plusieurs siècles, se retrouve confrontée à un adversaire mondial d’un genre radicalement différent. Cet adversaire, incarné par la Chine et son système parallèle d’influence (“mafia chinoise”, selon les termes employés par Fursov), représente une rupture avec l’ordre établi. Contrairement à l’Occident, qui s’est appuyé sur des institutions formelles (banques, alliances militaires, soft power), la Chine opère à travers des réseaux informels, des alliances économiques flexibles et une influence culturelle subtile. Cette stratégie, couplée à une vision de long terme, lui a permis de contourner les structures traditionnelles du pouvoir occidental.

Cette confrontation soulève une question fondamentale : la montée en puissance de la Chine et de ses propres circuits d’influence a-t-elle contribué à l’affaiblissement irréversible de l’hégémonie occidentale ? Alors que l’élite anglo-américaine a longtemps dicté les règles du jeu mondial, elle se trouve désormais contrainte de réagir aux initiatives chinoises, souvent imprévisibles et difficiles à contrer.

Dans ce contexte, l’exclusion du Royaume-Uni des négociations stratégiques prend tout son sens. Face à un adversaire aussi redoutable que la Chine, les États-Unis semblent privilégier des alliances plus souples et moins formelles, rompant ainsi avec le modèle anglo-saxon traditionnel. Dès lors, le divorce anglo-saxon ne se réduit pas à une simple divergence diplomatique ; il s’inscrit dans une reconfiguration plus vaste des rapports de force mondiaux, où les alliances d’hier laissent place à de nouveaux équilibres, souvent inattendus et brutaux.

Pourquoi, alors, les États-Unis ont-ils choisi d’exclure leur plus fidèle allié, le Royaume-Uni, de ces négociations stratégiques ? La réponse se trouve peut-être dans le choix même du lieu de ces discussions : l’Arabie saoudite, acteur central dans la recomposition de l’ordre mondial.

Le choix de l’Arabie saoudite : un nouvel axe stratégique

Le fait que cette rencontre se tienne à Riyad, plutôt qu’à Londres, Berlin ou Paris, constitue un élément marquant. L’Arabie saoudite symbolise la fin du monopole occidental sur les grandes négociations internationales. Désormais, les capitales européennes ne sont plus le centre des discussions mondiales ; elles sont reléguées au rang d’observatrices. Trump et Poutine ont choisi un terrain neutre, capable d’assurer une médiation sans être inféodé aux structures occidentales. Ainsi, l’Arabie saoudite s’impose comme un acteur clé dans la recomposition de l’ordre international, une évolution que Sergueï Lavrov, diplomate pragmatique et influent de la Russie, revendique depuis longtemps. Riyad endosse dorénavant le rôle que Genève ou Bruxelles occupaient autrefois : celui d’une plateforme incontournable et neutre pour les négociations stratégiques.
Le choix de Riyad ne doit rien au hasard. Longtemps perçue comme un allié indéfectible de Washington, l’Arabie saoudite s’affirme aujourd’hui comme un acteur diplomatique autonome, capable d’accueillir aussi bien des dirigeants occidentaux que des figures comme Vladimir Poutine, reçu avec tous les honneurs lors de sa visite officielle. Ce protocole solennel illustre la volonté de Riyad de se positionner en médiateur stratégique dans un monde multipolaire, où l’influence ne se définit plus uniquement par l’alignement sur les États-Unis.

Cette évolution témoigne d’un bouleversement profond dans les alliances internationales. Comme l’allègue Philippe Moreau Defarges dans Relations internationales, tome I : Questions régionales : « L’histoire de toute région est marquée par des ruptures, des traumatismes » (Defarges, 2011 : 10). L’Europe, longtemps forte et unie, se trouve aujourd’hui fragmentée, mettant ainsi un terme à son hégémonie. Dans ce nouvel ordre mondial, les intérêts prennent le pas sur les traditions diplomatiques, et rien n’est figé. Nous assistons à une dynamique en constante évolution, où conflits et enjeux redessinent en permanence les équilibres géopolitiques.

Cette recomposition laisse l’Europe sans levier d’influence majeur. Écartées des négociations stratégiques, la Grande-Bretagne, l’Allemagne et la France pourraient tenter de se repositionner en Afrique, cherchant à y retrouver un rôle dominant.
Mais de quelle Afrique parle-t-on ? D’une Afrique en pleine mutation, où les anciennes puissances coloniales ne sont plus les seules à dicter les règles. La Chine, la Russie, la Turquie et même les Émirats arabes unis y jouent désormais un rôle central. Dès lors, l’idée d’une « recolonisation » du continent par les Européens apparaît non seulement anachronique, mais aussi totalement irréaliste.

Conclusion : Au Congo, l’on persiste à rêver d’un monde qui appartient au passé.

L’éviction du Royaume-Uni des discussions entre Trump et Poutine marque une rupture historique. Le monde précédent, structuré autour des relations transatlantiques et de la domination européenne, se transforme pour donner naissance à un monde multipolaire où des puissances émergentes — principalement l’Arabie saoudite — s’imposent comme des intervenants essentiels. Jadis maître du jeu diplomatique, l’Europe devient spectatrice de sa propre marginalisation.

Mais cette transformation dépasse le simple rééquilibrage des forces. Elle marque la fin d’un ordre mondial issu de la Seconde Guerre mondiale, où les alliances étaient inébranlables et les hiérarchies préétablies. Désormais, les règles du jeu sont réécrites par de nouveaux acteurs. L’Arabie saoudite, la Chine, la Russie et d’autres puissances émergentes redessinent les contours de la diplomatie mondiale, tandis que l’Europe et les États-Unis doivent apprendre à composer avec cette nouvelle réalité.

Pourtant, alors que le monde évolue, certains restent prisonniers du passé. Au Congo, par exemple, des figures se proclamant « leaders » continuent de rêver d’un ordre révolu, cherchant désespérément à plaire à l’Occident. Cette attitude pose une question fondamentale : où se situe l’erreur ? Pourquoi ces élites locales s’obstinent-elles à chercher la validation d’un monde en déclin, plutôt que d’inventer leur propre voie ? Comme l’a si bien exprimé Thomas Sankara : « Il faut à l’Afrique tout inventer. »

Ce paradoxe révèle une dissonance profonde. D’un côté, le monde évolue vers un nouvel équilibre où les anciennes puissances perdent leur monopole. De l’autre, certains acteurs africains, notamment au Congo, restent enfermés dans des schémas mentaux hérités du passé. Comme l’écrit Dostoïevski dans Les Frères Karamazov :
Les hommes désirent s’envoler, mais la peur du vide les retient. Ils ne peuvent vivre sans certitudes. C’est pourquoi ils échangent l’ascension contre des cages. Les cages sont le refuge des certitudes.
Ces enclos sont le résultat des legacies coloniaux, des réactions conditionnées de dépendance et de cette crainte profonde de sortir des limites imposées.

Il faut une rébellion de la perception, comme le prône le think tank La Libération par la Perception. Une prise de conscience collective est nécessaire pour briser ces chaînes mentales et s’affranchir des modèles hérités d’un passé révolu.
Pour sortir de cette impasse, il est essentiel de repenser les alliances, les stratégies et les mentalités. Les pays africains, et le Congo en particulier, doivent cesser d’être les spectateurs passifs d’un ordre décadent et devenir des acteurs à part entière de la nouvelle géopolitique mondiale. Cela implique une reconquête de leur souveraineté, l’élargissement de leurs collaborations et, par-dessus tout, le courage d’imaginer un avenir qui leur est propre.

Une page d’histoire se tourne. L’ordre occidental tel que nous le connaissions appartient désormais au passé. Dans ce monde à plusieurs pôles, les certitudes du passé s’estompent pour faire place à une époque marquée par l’incertitude et des possibilités. Pour le Congo et l’Afrique, c’est une chance unique de se réinventer — à condition d’avoir le courage de rompre avec les illusions de l’ancien monde et d’oser s’envoler, malgré la peur du vide.

Mufoncol Tshiyoyo, M.T.,
Think Tank La Libération par la Perception (Lp) et membre du mouvement La Dissidence « D »

mufoncoltshiyoyo
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