05 Sep L’ambassadeur de Russie au Mali, parmi les premiers diplomates à être reçus par les putschistes maliens (pourtant réputés pro américain)
Au-delà du Mali, le Congo, la France, la Russie et l’Occident, quel avenir après-demain ?
Ils sont au nombre de cinq, tous des militaires, à la tête du désormais « Comité national pour le salut du peuple » (CNSP, en sigle). C’est la dénomination de l’instance de « transition » mise en place par les putschistes et qui « dirige » actuellement le Mali après le coup d’État contre IBK, Ibrahim Boubacar Keïta. Le coup d’État s’est presque déroulé sans entrave majeure dans un pays où l’ancienne puissance coloniale, la France, a longtemps accordé son soutien au « projet d’autonomie » des populations Touaregs dans le nord du Mali, une manière pour la France d’habiller l’exploitation et le contrôle des ressources minières importantes : l’uranium et le pétrole. Le coup d’État s’est-il déroulé avec le concours, l’aval, la bénédiction de la France ou sans la France ? La question se pose avec acuité surtout après que les « putschistes » maliens ont décidé de recevoir en premier lieu l’ambassadeur de Russie au Mali en lieu et à la place de l’ambassadeur de France. Car dans ce type de monde où des requins sont avides de sang, il est de notoriété publique qu’aucun coup d’État sérieux, réussi ou ayant été soldé par un revers, ne s’opère loin de l’ombre d’un parrain. Et si c’était le cas au Mali, quelles furent en effet les forces supposées « internationales » derrière la bande au colonel Goita ? Faisons parler la liste des membres du nouvel organe de direction du Mali. Qui en sont les membres plus influents et dont les noms peuvent aider à définir leur appartenance, selon le principe qui veut qu’en Afrique les coups d’États ne soient avant tout que l’œuvre du parrainage.
Le CNSP, l’organe transitionnel malien, comprend par ordre hiérarchique de fonction assumée :
– le colonel Assimi Goita, il s’est présenté comme le président du Comité national pour le salut du peuple. Son parcours militaire le rapproche de l’Amérique. L’homme a travaillé avec les USA dans le cadre des exercices appelés « Flintlock » (https://ml.usembassy.gov/fr/larmee-americaine-forme-les-troupes-maliennes-en-matiere-de-cooperation-civilo-militaire/). C’est tout ce qu’on sait de lui jusque-là.
– le colonel Malick Diaw a suivi un stage militaire en Russie. C’est le vice-président du CNSP.
– le colonel major, Ismaël Wagué qui est actuellement le numéro deux de la force aérienne malienne, assume la fonction de porte-parole du CNSP
– le colonel Sadio Camara a lui aussi suivi une formation militaire en Russie.
– Enfin, le plus haut gradé de tous les officiers est le général Cheick Fanta Mady Dembele. Sa formation militaire l’a conduit successivement de Saint-Cyr (en France, promotion « Général Guillaume » de 1990-1993) en passant par l’Allemagne, à l’université de l’armée fédérale allemande. Les sources consultées confirment également que le général est « diplômé de l’école d’état-major général de Koulikoro et titulaire d’une licence en histoire de l’université de Paris I Panthéon Sorbonne ainsi que d’une maîtrise en génie civil ».
La composition du CNSP dévoile les premières tendances (Russie, France et USA) qui rendent malgré tout difficile la tâche de détermination du camp des uns et des autres. Mais ce qui est du moins sûr est le fait que la formation militaire en Afrique est assurée par l’extérieur et à l’extérieur, alors que le Hezbollah au Liban, pour ne citer que son cas, s’assure de la formation de ses propres soldats en guerre contre une adversité sans merci, impitoyable. Dans tous les cas, un militaire formé par l’adversaire reste un danger public constant pour la sécurité de la nation. Qu’est-ce qui se passe au Mali après le coup d’État ?
À en croire RFI qui a titré, on cite : « L’ambassadeur de Russie au Mali est l’un des premiers diplomates étrangers à être reçu vendredi par la junte. Des responsables de la junte ont été formés à Moscou », la bande au Colonel Assimi Goita tournerait le dos à la France. Mais l’article néglige le fait que deux militaires importants du groupe, le général, qui reste quand même le militaire le plus gradé, et le président colonel, sont par leur formation et service militaires à classer avant tout dans le rang des pro-occidentaux (USA et France). Quand est-ce que le coup d’État échappe à la France et devient subitement russe pour que la France accuse ouvertement la Russie du fait que le comité a décidé de recevoir le diplomate russe au Mali ? L’Attitude de la France par le biais de sa presse sonne comme un aveu d’impuissance de la part d’un empire finissant et aux abois et qui se trouve malheureusement ou heureusement en face d’un autre empire russe qui comme les Anglo-saxons a refusé de se soumettre à un ordre des choses telles qu’il était jusque-là établi par un ordre, celui de Breton Woods (1 945), lui-même agonisant. Le monde qui bouge tout autour de nous, parfois amusés et surtout spectateurs est assez révélateur de sa nature à venir. Les élites anglo-saxonnes dans leur chute qui commence après la guerre d’Irak avaient décidé d’entraîner avec elles ce qui restait encore de la France. C’était pour éviter qu’elles ne soient à l’avenir obligées de partager avec des concurrents éventuels (France, Allemagne), les morceaux de ce qui n’était plus qu’une illusion. Les élites françaises ont été « biaisées » et ont perdu la France, appelée aujourd’hui à ne jouer que le rôle d’une remorque à conduire où le vent l’emporte. Après la Centrafrique où les Russes semblent avoir chassé la France, il se jouerait au Mali un autre jeu de la chaise musicale entre la France et la Russie. Sinon, on peut se demander pourquoi le Mali par ses putschistes pourtant formés en Occident reçoit le premier l’ambassadeur de Russie au Mali ?
Les anciennes « puissances » et les nouvelles qui naissent se partagent l’influence d’un monde en pleine mutation et sans qu’aucun pays de l’Afrique ne se saisisse des enjeux en cours pour tourner le courant de l’histoire en faveur du Continent. L’Afrique demeure pour longtemps encore un continent « miroir des autres » (Jean-Baptiste Noé, Le Continent de l’incompréhension, in Conflits n° 28 Juillet – août 2 020). Déstabilisé, il ne peut relever le défi du siècle nouveau sans qu’il ne puisse verser son sang dans le sens de ses souhaits. Faut-il incriminer le « populisme » d’un autre genre ou sa version vulgaire qui panique le Congo. « Populisme » qui se confond avec « popularité » dans son sens le plus abject. Au Congo on assiste à l’instrumentalisation des masses populaires qui dansent, chantent et crient à tue-tête à la gloire d’un « leadership » local à l’occasion de chaque sortie du pays et retour au pays des agents de l’Occident et à son service. À quoi servirait-il d’être « populaire » dans un quasi-État quand la popularité en question reste avant tout un baromètre qui assure le recrutement et l’entretien d’un leadership au rabais, incapable de transformation des masses en arme de conquête du « pouvoir réel », de souveraineté nationale et de liberté d’homme. Au Rwanda voisin, on assiste à l’éviction de Paul Kagame de l’histoire de l’occident dans les Grands Lacs qui coïncide comme par enchantement au renforcement de la déstabilisation du Congo. Les filles congolaises partant faire l’examen sont violées comme stratégies de dévoiement. La promenade de la milice rwandaise Banyamulenge de CODECO dans la ville de Bunia s’inclut également dans le même projet de dissuasion afin de décourager toutes les forces congolaises qui voudraient bien se saisir de la sortie programmée de Paul Kagame pour repositionner le cas du Congo. L’éviction annoncée de Kagame démontre à suffisance que l’Occident qui contrôle en effet et dirige le Rwanda n’est pas prêt à changer ses visées géopolitique et régionale des Grands Lacs, basée uniquement sur l’humiliation et l’exploitation du Congo. Des couvre-feux au Rwanda démontrent l’incapacité des partisans pro-occidentaux de se faire adouber par ceux qui sont supposés être leurs parrains. L’Occident se moque d’eux et ne croit pas aux animaux dressés par lui et pour ses intérêts. La preuve est là aujourd’hui.
Au Congo, les puissances anciennes et nouvelles ne s’affrontent jamais. La convergence des puissances fait de ce pays un cas bien typique. Outre le mercenariat noir qui est ouvertement assumé par une ethnie rwandaise, parce que reposant uniquement sur son recrutement comme mode de gouvernance du Congo, il y a les « Kengo boys », le visage de ce qui reste encore du « kengisme » (Alexis au « Sénat » et le « tomatier » ailleurs, pour ceux qui connaissent le who is who au Congo), assure allègrement le règne de la Belgique dans un pays où ce royaume reste le premier État mercenaire au service des élites anglo-saxonnes. Contrairement à la France qui perd l’influence de son ancien pré carré, la Belgique s’adapte au Congo. Elle partage désormais, parce qu’obligée, les miettes avec la soldatesque noire au service de l’Occident dans les Grands Lacs. Pendant ce temps, l’AFDL se réorganise et organise des conférences à Bruxelles avec toujours à la UNE le même sujet préfabriqué : protéger et défendre des populations rwandaises. Bref, pour nous, la Belgique et l’Amérique sont « jouables » au Congo, mais les deux pays sont convaincus de la passivité congolaise. D’où, pour eux, ce serait un luxe pour les Congolais de conserver le Congo dans son intégralité actuelle.
Quant à nous, nous assumons et prônons le contraire : likambo oyo eza likambo ya mabele.
Mufoncol Tshiyoyo, MT,
Un homme libre
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